La méditation selon le Védanta, selon la pensée hindoue, est la répétition d'une formule sacrée. En général, c'est une petite phrase avec salutation à l'idéal choisi comme celle-ci :
Je salue Shiva. Je salue Krishna. Je salue le Brahman Suprême.
Le rôle du mantra est toujours de permettre de se concentrer sur son idéal, la signification du mot lui-même et du son émis étant secondaire. Ainsi, il est utilisé comme répétition et non pour méditer sur le sens de chaque mot.
Dans cette répétition, on mettra tout son amour, sa pensée, sa volonté. Progressivement, on entrera complètement dans une concentration telle que toute conscience du monde extérieur sera écartée. Une concentration intense qui peu à peu pourra prendre la forme du commandement de Jésus pour l'amour du Seigneur : « Vous aimerez le Seigneur, votre Dieu, de tout votre esprit, de toute votre âme. »
Ainsi, le japa, la répétition du nom du Seigneur, n'est pas une activité machinale, mais une activité très intense avec une concentration profonde. Évidemment, cela peut être très dur au début, mais, par la pratique, cela devient plus facile et naturel. La préparation faite avant le japa aidera aussi fortement. Si, émotivement, on peut établir une relation d'amour avec son idéal choisi, le japa sera facilité par cette relation personnelle. Celle-ci peut paraître imaginaire au début, mais elle sera plus sensible par la suite, plus réelle. Il faut répéter le mantra doucement, en se concentrant. Entre deux répétitions, on doit observer un intervalle afin d'entraîner l'esprit à dépasser tout ce qui est du domaine de la pensée. On essaiera ainsi d'accéder au domaine spirituel où même la pensée n'a pas le droit d'entrer. Le mental doit être parfaitement calme, comme s'il n'existait plus.
S'il est bien fait, le japa peut être comparé à l'écoulement régulier, homogène, de l'huile versée d'un vase à un autre. Ainsi sera établie une forte relation entre Dieu et soi-même.
La concentration sera fixée sur un point de notre corps. Ce peut être le cœur. Mais le cœur dont il s'agit n'est pas le cœur physique. Il se situe au centre de la poitrine, à trois centimètres au-dessus de l'estomac, à la hauteur du sternum, entre la colonne vertébrale et le sternum. On se concentre parfois sur un point entre les sourcils. Dans cette forme de concentration sur un point du corps, il y a des réactions physiques ou psychiques, comme des douleurs. À ce moment-là, on peut interrompre la concentration sur ce point et la fixer sur un point situé hors du corps, ce qui écartera les douleurs.
Commencer le japa sur une forme spirituelle est toujours facile. Après quelque temps, on pourra méditer sur les attributs. Mais le but à atteindre est de transcender tous les noms, toutes les formes et tous les attributs.
C'est ainsi que l'on doit faire le japa. Il est bon d'y consacrer vingt minutes ou une demi-heure.
On peut aussi se concentrer sur la forme d'une Incarnation divine, ou bien sur un grand maître spirituel. On peut encore méditer sur la présence du Seigneur en tous les êtres. Il y a aussi la méditation sur le Seigneur au-delà des formes et de toute description, esprit divin résidant dans tous les cœurs. Elle est difficile à pratiquer.
Ces différentes formes de méditation sont bonnes, elles aident à dépasser la conscience du moi. Le Mantra :
Om kâram bindu samyuktam nityam dhyâyanti yoginah Kâma-dam moksha-dam chaiva Om kârâya namo namah.
Les yogis méditent constamment sur la syllabe Om composée des sons O et M.
Cela, Om, comble tous nos désirs et mène à la libération.
Salutations encore et encore à ce symbole Om.
L’Inde apporte de précieux enseignements. Vous connaissez l'image de Shiva dansant. Il n'y a pas de danse de Shiva en Occident. C'est une contribution unique de l'Inde. Parmi les beaux fruits qui vous parviennent de l’Inde, son enseignement spirituel en est un. Il en est ainsi du mantra.
On ne saurait dire à quelle époque remonte la découverte de la puissance du mantra. Il a toujours été là, reconnu comme le moyen le plus efficace des disciplines religieuses hindous. On parle des Védas. Ils sont au nombre de quatre et, parmi les Écritures sacrées de l'hindouisme, ils sont fondamentaux. On les a traduits pour faciliter la compréhension, mais les hindous eux-mêmes n'essaient pas de comprendre la traduction des Védas. C’est avec une grande attention qu’ils s'efforcent de les chanter en observant le son exact, l'intonation juste, le rythme et la modulation traditionnels. C'est une loi qui ne doit pas être transgressée. On croit que réciter les Védas, sans respecter les règles établies, attire la malédiction.
Il y a partout en Inde des écoles fréquentées par des élèves qui apprennent à chanter et à moduler très exactement les textes sacrés en sanscrit, tels qu’ils l’ont toujours été. Le chant des Védas est auspicieux ; il apporte le bien. C’est ainsi que commence la tradition du mantra et de sa répétition.
Il y a quelques années, j'ai rencontré un prêtre qui chantait des textes védiques ; je lui demandais qu'elle en était la signification. Il ne la connaissait pas. « On nous a appris à chanter très exactement, répondit-il, je ne sais pas ce que signifie les paroles. » J'ai pensé avec étonnement qu'il chantait comme un perroquet, mais maintenant j'apprécie mieux ce qu'il a voulu dire : le chant est par lui-même ce qu'il y a de plus important.
En Inde toutes les cérémonies comprennent des chants védiques. C'est une tradition si ancienne, si répandue et si attachante que même chez les bouddhistes il y a toujours un prêtre qui vient chanter un texte sacré. La croyance veut que la récitation des chants védiques suffit à assurer le bien de toute la maison. Sri Krishna dit dans la Bhagavad Gita : « Je suis le grand Sama. » Le Sama est un Véda chanté toujours avec des modulations particulières.
Les hindous croient que l'on peut se purifier du péché par la méditation sur le mantra, être libéré et atteindre la béatitude. C'est le salut. Donc, celui qui peut apprendre un mantra aura tout.
Mantra est un mot composé de deux syllabes : man, activité mentale de la méditation, et tra, qui sauve, qui donne le salut, la libération. Le mot par lui-même signifie donc que le salut est certain pour celui qui médite sur le mantra. Il faut le recevoir d'un maître qui en apprend le son traditionnel à son disciple. En lisant ou en écrivant un mantra, on en obtient pas le bienfait parce que toute sa valeur réside dans le son. Et Swami Ramakrishnananda a bien précisé que le son du mantra n'est pas reçu de loin mais de près, de bouche à oreille. Il doit être entendu et bien appris. Dans la cérémonie de l'initiation, telle qu'elle était célébrée autrefois en Inde, le mantra était reçu dans l'oreille, le disciple étant complètement enroulé dans un drap.
Un mot, tel qu'il est utilisé dans la conversation, est composé de lettres. Chaque lettre est le symbole d'un son. En prononçant des lettres on entend les sons, on se souvient d'un mot, on le comprend. Le mantra est autre chose. Même les mantras qui sont simples dans leur forme produisent des effets différents, parce qu'un mantra est composé de certaines lettres choisies par le maître et disposées dans un ordre particulier pour produire un certain assemblage de sons. Quelquefois, les termes du mantra peuvent avoir une signification : d’autres fois il n'en est pas ainsi, quand seul le son est important. Les lettres ne représentent que des symboles. L’effet du mantra n’agit pas sur le plan de la raison. Donc, la lecture d'un mantra sur une feuille de papier ne produira pas de grands résultats. Il faut entendre le mantra prononcé par un maître qui l’a lui-même répété pendant longtemps. La connaissance acquise par la répétition du mantra s'étend bien au-delà du plan de la raison. Elle est, dit-on en Inde, dans la conscience profonde.
On peut demander pourquoi attribuer une si grande valeur au son. Le Védanta enseigne que la seule réalité, Brahman, existe derrière le monde entier. Brahman a eu l’idée de créer le monde ; c’est ce que nous disons pour l’expliquer. Tout ce que nous voulons faire, nous le pensons tout d’abord, puis cela devient action. La pensée est reliée au mot, et le mot au son. Ainsi ondit qu’avant la création, il y avait shabda-brahman, décrit comme le son. Cette idée appuie fortement celle de la création par le son. shabda est le son. Nataraja, Shiva dansant, tient un petit tambour dans sa main. Le tambour produit un son beaucoup plus fort que celui d'un piano ou d'un autre instrument de musique. Le tambour dans la main de Nataraja signifie le son, la création. Cette image représente le Créateur, le Protecteur et le Destructeur. C'est le Seigneur.
Le son Aum est très important pour les hindous. Sri Aurobindo en a donné une explication intéressante, disant que le Pasteur divin, c'est-à-dire Dieu, devient lui-même le mantra Aum.
Quand la pensée, dirigée vers Dieu, devient effective, la lumière de l'être s'exprime par elle-même. C'est Cela qui révèle la splendeur dans le mot, le secret de la pensée et qui conserve le rythme. L'homme répète le rythme de l'Éternel ! Ce qui illumine, c'est Dieu lui-même. Les Écritures disent : C'est ce qui est connu par les Védas.
Le mantra de la conscience divine apporte la lumière de la révélation.
Le mantra de la puissance divine apporte la volonté d'effectuer.
Le mantra de la béatitude, ananda, apporte l'accomplissement de la joie spirituelle de l'existence.
Tous les mots et toutes les pensées proviennent de l'écoulement des vibrations du grand son Aum qui est Brahman, l'Éternel.
Derrière la manifestation des formes et des objets sensibles, derrière le jeu continuel de ce qui est conçu en soi, dont les formes des objets sont des figures, derrière la manifestation de la supra-conscience et de la puissance de l'Infini est Aum... source souveraine des germes et des matrices, des choses et des idées, des noms et des formes. Aum est lui-même intégralement l'Unité suprême, intangible et originelle, existant par soi-même, hors de toutes les manifestations.
Les Védas ont été considérés comme des mantras et même certaines parties du Véda sont appelées des mantras. Cela signifie qu'ils doivent être répétés ; le mantra ne dépendant pas tellement de sa signification, mais du son produit par sa répétition.
L'idée du son Aum exprimant le Brahman suprême se trouve également dans la Mandukya Upanishad, dont le texte assez court a reçu une grande karika (commentaire) écrite par le philosophe Gaudapada, et sur laquelle Sri Shankacharya a composé des commentaires très connus.
Cette Upanishad explique comment Aum représente Tout, c'est-à-dire comment la répétition de Aum est le grand mantra.
La Katha Upanishad, la Mundaka Upanishad et d'autres textes disent de se concentrer sur Aum. Sri Aurobindo a fait comprendre que Aum représente tous les Védas, toute la création et Dieu lui-même. En ayant cette connaissance, en sachant que Aum représente Dieu, en méditant sur Aum, on peut atteindre l'état de supra-conscience, de réalisation directe et de communion avec le Seigneur.
Swami Vivekananda a longuement parlé de la méditation sur Aum dans le bhakti-yoga et d'une manière plus étendue encore dans le raja-yoga. Il a expliqué que le pravana (syllabe mystique) Aum représente tous les mots et tout ce qui existe dans l'univers. Ainsi nous allons de la création au Créateur, c'est la voie suivie par les dévots. La source d'illumination du mantra est pleine d’énergie consciente, elle possède des pouvoirs extraordinaires. Il en est ainsi pour le mantra Aum qui remonte à l'époque la plus ancienne. Dans les Védas se trouve la Gayatri, répétée aussi de nos jours, mais on a dit autrefois que ce mantra était réservé à certains ; on ne pouvait le donner à tous. Seuls les enfants brahmines le recevaient de leur père qui l'avait reçu de leur père. Ainsi de siècle en siècle, la Gayatri fut transmise de père en fils, comme premier mantra accepté par les hindous. Quand j'étais jeune, j'ai reçu un livre sanscrit disant que la Gayatri est un mantra incomparable. |
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